Site icon SACER

Quand Sassou lit des discours qu’il ne comprend même pas





Le chef de l’Etat Congolais M. Sassou Nguesso Denis s’est exprimé lors d’une adresse à la nation de 12 minutes ce mercredi 14 août 2019 depuis le palais du peuple, message diffusé à la télévision et à la radio. Ce discours extrêmement attendu compte tenu de l’état d’urgence économique et sociale imposé par la faillite généralisée du pays et du récent accord entre le Congo et le Fond Monétaire International (FMI), a tourné en une véritable tentative d’instrumentalisation, visant à nous rappeler comme à chaque fois qu’il prend la parole, que nous n’avons qu’un seul choix : lui, ou le chaos.




Nous savions dores et déjà que cet exercice tant redouté par les chefs d’état (car il permet de montrer que l’on comprend son peuple, ses intentions, ses colères, ses inquiétudes, ses dépits, bref sa vie quotidienne, et aussi de montrer un cap, une vision), allait se conclure comme d’habitude, par une idée creuse et qui ne veut rien dire : « nous sommes capables de surmonter les épreuves ». Malheureusement, depuis 30 ans avec M. Sassou Nguesso Denis, nous n’avons jamais trouvé le moindre petit sentier qui nous permettrait de faire la « remontada ».

Ce discours volontairement sombre qui a emprunté un champ lexical d’enterrement, traduit à la fois un aveu de faiblesse et une incapacité à trouver des solutions aux problèmes et montre le fossé qui existe entre le Président et les concitoyens.

Simone Veil avait dit un jour que : « L’obéissance à un homme dont l’autorité n’est pas illuminée de légitimité, c’est un cauchemar ». Cela se vérifie, année après année, depuis que M. Sassou Nguesso Denis a pris les commandes de notre pays. Son discours, nous analyserons sous deux angles.




Sur la forme

Malgré la volonté d’apparaitre fringuant, les congolais ont tous vu un Président vieilli, fatigué et déprimé par des années d’impopularité. Quoi de plus normal ? Quand on joue avec des casseroles, il ne faut jamais oublier le feu en dessous.

Sur le ton de la voix, le président n’a pas réussi son pari en cette période de force turbulence, celui d’être dans la solennité et dans la gravité. Montrer que l’on est force de proposition, sans montrer qu’on est résigné. Tous les sportifs de haut niveau, vous diront toujours que lorsque l’on fait une compétition de trop, on perd l’envie de se battre et on tombe dans un état où les moyens et le goût de se battre s’évanouissent. C’est l’état d’esprit avec lequel M. Sassou Nguesso Denis s’efforce à conduire les affaires du pays.

Sur le fond

Au-delà du sentiment d’abandon, d’humiliation et de mépris légendaire dont fait montre M. Sassou Nguesso Denis vis-à-vis de ses concitoyens, l’homme de Mpila a toujours fait l’inverse de ce que les congolais attendaient de lui. Cela n’est pas nouveau.




En 2017, alors que les Congolais l’attendaient sur le dossier concernant l’explosion de la dette du Congo et sur la disparition des fonds épargnés pour les générations futures, M. Sassou Nguesso Denis avait essayé de divertir le peuple en affirmant que « Nous ne sommes pas dans un désastre irréparable. Il n’y a ni faillite, ni banqueroute » et que désormais le pays devait s’« Appuyer sur un gouvernement efficace et résolument porté sur l’action », pour finir par une phrase énigmatique « La nuit ne dure jamais éternellement. Le soleil finit toujours par se lever ». Et pourtant, le soleil ne s’est jamais levé pour les congolais qui continuent à broyer du noir.

En 2018, après avoir affirmé qu’ « En dépit des difficultés actuelles, le Congo avec assurance, progresse vers le développement », l’homme de Mpila pensait que « De plus en plus à notre portée…le processus de retour aux équilibres macroéconomiques se poursuit… » et affirmait qu’« Au prix d’efforts persévérants et opiniâtres, nous vaincrons les obstacles susceptibles d’entraver nos ambitions » avant de conclure que « Le Congo est loin de la banqueroute ! » et que « Les dispositions en vigueur s’appliqueront dans toute leur rigueur face aux anti-valeurs », certains éditorialistes avaient qualifié son discours de saupoudrage morbide et indigeste et d’autres pensaient qu’il était d’une vacuité déconcertante et d’un cynisme insoutenable. La suite, on la connait !




Cette année, M. Sassou Nguesso Denis a encore récidivé avec un discours creux, sans substance, sans vision et sans cap, dont lui seul et ses conseillers en communication ont le secret. Au lieu de conseiller au Président Sassou Nguesso Denis de jouer au superman, ses conseillers devraient plutôt lui proposer de faire ses nuits, lui qui perd le sommeil simplement parce qu’il trime pour payer les salaires des fonctionnaires.

Cela parait curieux que le Président commence son discours en mettant le curseur sur le Congo Eternel, ce Congo que nous avons reçu en héritage de nos ancêtres et que nous devons bichonner afin de le transmettre à nos enfants et petits-enfants. M. Sassou Nguesso Denis qui a participé activement à la dilapidation et à la destruction d’une bonne partie de cet héritage, fruit de quelques années de dur labeur des congolais, n’est pas un exemple ou un modèle, encore moins le mieux placé pour parler du Congo Eternel. N’oublions pas et n’ayons pas la mémoire courte. M. Sassou Nguesso Denis, pendant son long règne de 30 ans, a eu des boums pétroliers, un effacement de la dette dans le cadre du PPTE, sans oublier l’accentuation et la promotion du tribalisme, du népotisme, du clientélisme, du vol et de la corruption généralisée.

Ce n’est pas faire montre d’un réquisitoire sévère que de dire que M. Sassou Nguesso Denis, qui a passé plus de temps dans ce discours à alimenter son chantage environnemental, n’a pas été à la hauteur des enjeux et s’est même éloigné des aspirations du peuple.




Quand le Président Sassou Nguesso Denis affirme « Je prends acte (…) de l’heureux aboutissement des opérations d’exploration pétrolière menées au titre du permis Ngoki mettant en évidence la présence des réserves de pétrole de qualité dans la partie Nord de notre pays » et de continuer « Notre pays n’a jamais enfreint l’obligation de protéger les tourbières dans ses zones lacustres. Il n’a nullement l’intention de le faire à l’avenir, nonobstant les contreparties financières annoncées et qui continuent à se faire attendre », on voit très bien qu’au-delà de cette grandiloquence, se cache un nébuleux dispositif qui n’honore pas notre pays et laisse tous les experts en matière de pétrole très perplexes.

Le reste du discours n’était qu’un abject bavardage communicationnel. Pas un seul mot sur la réduction du train de vie de l’état, sur les réformes à entreprendre, sur le type de gouvernance, sur la politique économique à mettre en œuvre et sur le quotidien des citoyens. Circulez, il n’y a rien à voir semblait il dire aux congolais. On a eu droit aux mêmes formules alambiquées. Hélas, la magie ne prenant plus, ce Président vieillissant n’est plus capable de sortir un seul lapin de son chapeau.

Nous assistons, depuis quelque temps, à la déchéance d’un homme qui s’est autoproclamé « bâtisseur infatigable » mais qui se trouve confronter au temps qui passe. Aussi, quand on a la prétention de renflouer seul un bateau qui coule, on a intérêt à mettre la main à la pâte sans penser à se reposer. Malheureusement, à force de vouloir coûte que coûte rester au pouvoir, le boulimique de pouvoir est toujours confronté à un coup de pompe et une indigestion, surtout quand il choisit volontairement de s’entourer de parvenus arrivistes, médiocres et d’incompétents.




F. Hundertwasser a écrit: « Lorsqu’un seul homme rêve, ce n’est qu’un rêve. Mais si beaucoup d’hommes rêvent ensemble, c’est le début d’une nouvelle réalité ».

C’est à ce rêve d’ensemble que j’invite l’ensemble des citoyens de notre pays. M. Sassou Nguesso Denis n’est clairement plus le mieux placé pour endosser le costume de sauveur du Congo, surtout quand on sait qu’il est le principal artisan de la débâcle actuelle du pays.

M. Sassou Nguesso Denis n’a plus aucune crédibilité et son image s’est détériorée simplement parce qu’il n’a jamais été capable de tenir ses engagements. Il nous faut donc mettre autant d’énergie à dénoncer quand il le faut, qu’à nous lancer dans l’œuvre d’invention du Congo de demain ; celui débarrassé du tribalisme, du clientélisme, de la gabegie et de toutes formes d’antivaleurs.

Notre seul combat et ultime rêve c’est de redonner à chacun toute sa dignité et de contribuer au bien-être de l’ensemble de notre peuple. Le peuple congolais a aussi le droit de participer et de contribuer au développement économique, social, culturel et politique de son pays.

Quitter la version mobile