La guerre Russie-Ukraine et alliés, médiation de Denis Sassou Nguesso, au nom de l’Union Africaine, dans la crise libyenne, économie…, devraient figurer au menu du tête à tête étouffant que le président congolais aura avec son homologue français, Emmanuel Macron, au cours de la brève escale (technique?) en mars prochain à Brazzaville. Contrairement à la rumeur brazzavilloise, il n’ y aura pas un seul sujet qui fâche, comme le cas Mokoko et Okombi.
Emmanuel Macron arrive à Brazzaville en mars prochain, un mois qui rappelle de tristes souvenirs aux congolais superstitieux : « explosions du 04 mars, assassinats de Marien Ngouabi, Alphonse Massamba Débat et du cardinal Émile Biyenda, décès de Lucie Bongo Ondimba, Guy Brice parfait Kolelas!
Une escale( technique ?) tout de même pour l’honneur, avant de mettre le cap sur Luanda, en Angola, puis Kinshasa, en RDC, la rive gauche du fleuve Congo.
Des exégètes en relations internationales qualifient ce très bref séjour de Macron à Brazzaville d’ » escale technique ». Un peu comme Nicolas Sarkozy, le 26 mars 2009, à Brazzaville, lorsqu’il revenait de Kinshasa. Celle-là, de l’avis des observateurs, était visiblement une escale d’affaires, notamment la remise sur orbite du groupe Bolloré, candidat malheureux, derrière Dubai Port Word, selon mes sources, dans l’appel d’offres de mise en concession du port autonome de Pointe-Noire. Pour la petite histoire, alors que Dubai Port Word avait coiffé sur le poteau d’autres concurrents de taille, dont le groupe Bolloré, nous confiait à l’époque une bonne source proche du dossier, l’ordre serait venu d’en haut pour que cette concession soit attribuée au français, au nom de la « longue amitié franco-congolaise ». Sarkozy qui était venu avec le dossier de « son » ami Bolloré dans ses valises, dut se résoudre à recevoir l’opposition congolaise- dont il voulait se servir comme preuve de chantage- dans un 5 étoiles de Brazzaville, pour leur dire : » ne boycottez pas les élections ». Énorme déception des opposants congolais qui s’attendaient au soutien du locataire de l’Elysée.
Macron, moins abrupte et désinvolte, arrive au Congo dans un contexte international marqué par la guerre Russie-Ukraine et alliés. Une question qui devrait figurer au menu de l’échange qu’il aura avec son homologue congolais. Brazzaville, comme d’autres capitales africaines, est loin d’oublier le grand soutien multiforme de Moscou à l’époque de la guerre froide: formation des cadres congolais, construction des infrastructures de base, appui logistique et idéologique…
Il semble que le Parti Congolais du Travail, au pouvoir, disposerait de la moitié de cadres qui parlent et écrivent aisément le russe. Nombreux ont d’ailleurs épousé des femmes russes pendant leur séjour académique dans ce que l’on appelait URSS.
Au delà, de nombreux congolais et autres africains, épris de paix et de justice, estiment que le dénouement de cette guerre en faveur de la Russie, qu’appuie la Chine, pourrait rééquilibrer les relations internationales, en mettant fin au rôle suprematiste des USA et alliés dans la marché du monde.
Vu sous cet angle Macron ne devrait donc pas compter sur Brazzaville pour condamner, à brûle pourpoint, la Russie comme le souhaitent ses amis occidentaux, y compris la France elle-même, incapable de se mettre en lévitation pour jouer le rôle de médiateur dans cette guerre.
Le dossier libyen, sur lequel Paris essuye des échecs, tandis que Brazzaville, à qui l’Union Africaine a confié sa résolution, devrait également être évoqué par Sassou-Macron.
Le président congolais marque de bons points dans l’approche de solution. Quoiqu’il soit difficile à Brazzaville, bien loin de la Libye à tout point de vue, d’aller plus vite. Et ce n’est donc pas par hasard que Denis Sassou Nguesso s’est récemment adjugé le soutien du président nigerien Mohamed Bazoum. Qui était en visite officielle à Brazzaville en début de semaine. L’économie, le troisième point de ce tête à tête, pourrait tourner autour de la fragilité des entreprises françaises au Congo, face à la concurrence chinoise.
Les francaises cumulent près de 300 milliards de créances auprès de l’Etat congolais. Paris souhaite qu’en contrepartie du soutien apporté à Brazzaville, dans le cadre de l’appui budgétaire et autres concours auprès du Fmi, que Brazzaville songe à lui renvoyer l’ascenseur en termes de paiements de dettes dues aux entreprises de l’Hexagone. Il faut reconnaître que traditionnellement les énormes potentialités économiques du Congo profitaient aux hommes d’affaires français, qui, sans compétitivité véritable, raflaient la mise. Très peu au fait de la nébuleuse franco-congolaise, Jean Jacques Bouya, neveu de Sassou, le puissant ministre des Grands travaux s’est mis à négocier les marchés publics avec les plus offrants et les moins disant chinois. Des pratiques de concurrence pure et parfaite que les entrepreneurs français ne supportent pas. Surtout lorsqu’elles contribuent à leur faire perdre du terrain.
Macron face à l’os africain
C’est une coutume désormais établie en France: depuis l’instauration de la Vème République, chaque Chef de l’État français se retrouve face à un « os africain » ou malédiction africaine. Charles de Gaulle avait mal à son Algérie. Valérie Giscard d’Estaing s’était emmêlé les pinceaux avec les diamants centrafricains de Bokassa. François Mitterrand a eu son cauchemard rwandais. Jacques Chirac a fait face aux crises ivoirienne et congolaise(Lissouba-Sassou).Nicolas Sarkozy porte les taches indélébiles du sang de Mouamar Khadafi. Emmanuel Macron est face à bon nombre de pays africains qui affichent ostensiblement leur soutien à la Russie et à la Chine. Bamako, Bangui et Ouagadougou font ouvertement ce que d’autres pays africains font encore en cachette.
C’est plutôt à Kinshasa, chez Félix Antoine Tshisekedi, qu’il pourra enfin trouver un allié.
Denys Sharapov, le vice-ministre des affaires étrangères de l’Ukraine, était récemment à Kinshasa, non pas pour se mettre au chevet de la RDC. Il y était surtout pour solliciter le soutien de Kinshasa. Accompagné de plusieurs de ses compatriotes, Denys Sharapov attend beaucoup de la Rdc. Fatshi, pour les intimes, fait-il des yeux doux à la communauté internationale, surtout à quelques jours de la visite de Macron à Kinshasa, pour s’attirer son soutien dans la guerre qui oppose la Rdc, à l’Est, au M23, soutenu en sous main par Paul Kagame? S’agit-il d’un soutien sincère?
A.Ndongo, journaliste économique et financier