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En Pologne, des étudiants africains fuyant l’Ukraine enfermés dans des centres de détention

Une enquête coordonnée par l’ONG d’investigation Lighthouse Reports a révélé que des étudiants étrangers ayant fui l’Ukraine sont détenus en Pologne dans des centres d’accueil fermés, au prétexte qu’ils n’ont pas leur passeport. La Pologne avait pourtant déclaré, au début de la guerre en Ukraine, que toutes les personnes fuyant le conflit seraient acceptées, même sans passeport.

Une enquête coordonnée par l’ONG d’investigation Lighthouse Reports, en partenariat avec plusieurs médias, dont Médiapart et Radio France, a révélé, mercredi 23 mars, qu’au moins quatre étudiants étrangers qui avaient fui la guerre en Ukraine se sont retrouvés détenus en Pologne et contraints de demander l’asile dans le pays

C’est ce qui est arrivé à Gabriel*. Ce jeune Nigérian était étudiant dans la grande ville de Kharkiv, près de la frontière russe. Il a quitté l’Ukraine pour échapper à la guerre. Médiapart a publié une partie de l’entretien téléphonique que le jeune homme a eu avec un représentant de la diaspora nigériane : « À la frontière, le 27 février, ils [les gardes-frontières polonais ndlr] ont pris nos téléphones de force […] Ensuite, ils nous ont demandé de requérir l’asile. J’ai refusé. J’ai été forcé de signer la demande car sinon c’était la prison. Ils m’ont détenu dans un autre endroit puis, j’ai été transféré ici, dans le camp fermé, à l’intérieur de la forêt. »

Depuis près d’un mois, Gabriel vit dans le centre fermé de Lesznowola, au sud de Varsovie. Selon lui, c’est un tribunal polonais qui a ordonné sa détention, alors que le jeune homme ne comprenait pas ce qui se disait. « Ils ont parlé dans leur langue. Même l’interprète ne comprenait pas l’anglais. Nous, on a parlé notre langue. Nous avons été menottés pendant l’audience. »

Les garde-frontières polonais ont affirmé à Samuel*, un autre étudiant, qu’ils l’arrêtaient car le Nigérian n’avait pas son passeport et n’était pas autorisé, selon eux, à circuler en Pologne ou à se rendre dans un autre pays. « J’ai expliqué très clairement que j’étais étudiant, et je leur ai montré des preuves », a-t-il assuré.

« Nous ne savons pas la raison pour laquelle ces personnes sont en détention »

La législation polonaise prévoit la possibilité de détenir une personne demandant l’asile dans le pays si celle-ci n’a pas de document prouvant son identité ou s’il y a un risque que cette personne s’échappe. Mais, dès le début du conflit en Ukraine, le chef de la chancellerie polonaise, Michał Dworczyk, avait affirmé que « toute personne qui fuit la guerre sera acceptée en Pologne, toute personne qui souhaite de l’aide sur le sol polonais pourra l’obtenir, même les personnes sans passeport », rappelle Médiapart.

D’autres personnes ont également été arrêtées et enfermées alors qu’elles se trouvaient en possession de leur passeport. « Un étudiant a essayé de s’échapper des garde-frontières du côté ukrainien car il était effrayé, il se sentait en danger. Il a donc escaladé la clôture à la frontière. Il avait son passeport, ses documents d’identité. Mais le fait qu’il ait escaladé la clôture fait de lui un criminel, même si l’Ukraine est désormais un pays en guerre. C’est difficile de ne pas y voir du racisme, car dans le camp près de Varsovie, tous ceux qu’on connaît sont d’origine africaine », a affirmé Małgorzata Rycharska, de l’ONG Hope & Humanity Poland, à Radio France qui faisait partie des médias partenaires de l’enquête.

De même, la cellule de crise de l’ambassade du Cameroun à Berlin a confirmé aux journalistes de Lighthouse Reports que trois ressortissants camerounais en possession de leurs passeports se trouvaient dans des centres fermés. « Nous ne savons pas la raison pour laquelle ces personnes sont en détention. Nous travaillons à leur établir des laissez-passer », a indiqué le personnel diplomatique.

Cas de racisme

De nombreux cas de racisme ont été documentés à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne depuis le début de la guerre et ont provoqué une vague d’indignation. Des étudiants étrangers ont notamment raconté avoir été empêchés de monter dans des trains au départ des gares ukrainiennes. D’autres ont affirmé avoir été victimes de violences policières de la part des garde-frontières polonais.

Avant le début du conflit, l’Ukraine comptait 76 500 étudiants étrangers, la majorité étant originaires d’Inde, et 20 % de pays africains. Pour alerter sur leur situation, le hashtag #AfricansInUkraine a été lancé et des groupes WhatsApp et Telegram ont été créés pour organiser leur assistance.

À Bruxelles, la commissaire européenne aux affaires intérieures, Ylva Johansson, a précisé que la frontière était également ouverte aux personnes de pays tiers qui vivaient en Ukraine et souhaitaient se rendre dans leur pays d’origine. « Ces personnes doivent être aidées. De plus, ceux qui ont besoin de protection dans l’UE peuvent également demander l’asile », a-t-elle déclaré, citée par le média allemande DW.

Plus de 3,5 millions de personnes ont déjà fui la guerre en Ukraine. La Pologne est le pays qui a accueilli le plus grand nombre de déplacés, avec plus de 2 millions de personnes arrivées depuis le début du conflit.

Par infomigrants.net

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