La COP27, la conférence des parties sur le changement climatique de l’ONU, doit se dérouler du 6 novembre au 18 novembre 2022 à Charm el-Cheikh en Égypte. Tout au long de l’année, les diplomates de chaque pays, les ministres et les chefs d’États se réunissent régulièrement pour continuer les négociations pour tenter d’arriver à un accord plus ambitieux pour le climat. Mais la question du financement reste un point de tension.
Encore une fois, la promesse faite en 2009 – non tenue – par les pays riches de débloquer 100 milliards de dollars chaque année dès 2020 pour aider les pays en voie de développement dans leur transition écologique, est source de discorde. En 2020, il manquait encore près de 17 milliards de dollars.
Pourtant ce mercredi, lors d’une réunion préparatoire de la COP avec des représentants de 24 pays africains en Égypte, John Kerry, envoyé spécial pour le climat des États-Unis a reconnu « qu’il est plus coûteux de ne pas agir contre le changement climatique que d’agir », tout en reconnaissant que « 20 pays sont responsables de 80% du problème, les États-Unis, à eux seuls, sont le second émetteur (de gaz à effet de serre), après la Chine ». Surtout? les scientifiques s’accordent à dire que ces 100 milliards de dollars sont loin d’être suffisants.
« Nous ne quémandons pas »
Et en début de semaine, lors d’un autre sommet sur l’adaptation au changement climatique aux Pays-Bas, plusieurs chefs d’États africains ont fait le déplacement, mais aucun du côté des pays du Nord n’a daigné participer. De quoi inquiéter, voire irriter les dirigeants africains.
« Les responsables du changement climatique sont les pays industrialisés. Et maintenant ils nous demandent à nous de nous adapter, de ne pas suivre leur schéma de pollution. À la limite de ne pas nous industrialiser », a déploré Macky Sall, le président du Sénégal et actuellement à la tête de l’Union africaine. « Cet argent qu’ils doivent mettre, nous ne le quémandons pas. Il ne s’agit pas d’un rapport de donneur à celui qui reçoit. Il s’agit d’une responsabilité, assumée : ceux qui sont les pollueurs doivent payer. Ils doivent contribuer à financer les programmes d’adaptation, sinon nous devrons faire comme eux : nous tourner vers le charbon, le pétrole, le gaz, etc. Et on détruira la planète ensemble ! »
Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’Union africaine a aussi estimé que le manque d’implication des pays du Nord est « l’une des plus choquantes injustices à l’égard du continent », qui est responsable de moins de 4% des émissions mondiales de CO2, selon l’ancien secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, qui s’exprimait également cette semaine. Dans le même temps, les pays africains subissent la majorité des conséquences du changement climatique, notamment la sécheresse et les inondations qui engendrent mort, destructions, faim et migration.
Réparation des pertes et préjudices
Cette année, avec une COP en Égypte, sur le continent africain, la question « épineuse » de la solidarité internationale sera d’autant plus au cœur des discussions, estime donc Lola Vallejo, directrice du programme climat de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri).
« Ce n’est pas neutre que la COP se déroule en Afrique dans un contexte où il y a une grave crise de défiance entre pays du Nord et pays du Sud, notamment parce que l’objectif emblématique de la mobilisation des 100 milliards de dollars a été manqué. Alors que dans le même temps, on a eu des impacts du changement climatique extrêmement manifeste. Clairement, cette combinaison-là va donner encore plus d’importance à un autre thème qui va être discuté pendant cette COP, qui est la question des pertes et préjudices. »
Le terme recouvre tous les dégâts matériels et humains qui surviennent après une catastrophe climatique. La question est de savoir qui doit payer pour compenser ces pertes. « Cela avait déjà été un point de tension à Glasgow, cela l’a été pendant les intersessions et on va les retrouver en novembre à la COP » estime Aurore Mathieu, responsable politiques internationales au Réseau Action Climat qui fédère plusieurs ONG de protection de l’environnement.
Discussions politiques difficiles
« Aucun dispositif n’est prévu ou mis en place au sein de l’ONU pour payer une fois que les catastrophes sont arrivées. Par exemple, le Pakistan (après les inondations dévastatrices, ndlr), qui va payer pour la reconstruction ? » s’interroge-t-elle. « Les pays riches prétendent que l’argent mis sur la table pour l’adaptation suffit, or ça n’est pas le cas. »
Société civile, ONG et pays en voie de développement poussent donc pour que la question des pertes et préjudices fasse partie intégrante et de manière pérenne des discussions internationales et pour qu’un fonds dédié soit mis en place dès la prochaine COP. Même s’il reste compliqué à définir si un évènement météo particulier est une conséquence du changement climatique et qui doit payer exactement, combien, et pour quels types de dommages.
« Nous voulons que les pays riches et développés prennent leurs responsabilités et qu’ils fournissent un financement additionnel pour ces pertes et préjudices » ajoute Aurore Mathieu, pour qui cela permettrait de rétablir la confiance entre Nord et Sud et débloquer les négociations sur les autres points : la réduction des émissions, l’adaptation, le cadre de transparence et mettre enfin en œuvre de manière efficace les accords de Paris.