L’ex-candidat malheureux à la présidentielle de 2016, dont il n’a jamais reconnu les résultats, a été condamné à vingt ans de prison pour atteinte à la sûreté de l’État.
Tous nos militaires ne s’appellent pas Assimi Goïta, Mamadi Doumbouya, Ibrahim Traoré ou Abdourahamane Tchiani, heureusement. Tous ne sont pas des putschistes. Tous ne sont pas les chefs redoutés d’une transition qui n’en finit pas de finir. Il y en a qui sont normaux. Il y en a encore que le képi n’a pas tout à fait écervelé. Il y en a que la kalachnikov n’a pas complètement abêti.
C’est le cas du général Mokoko du Congo. Ce brillant officier supérieur a suivi le chemin tout tracé du grand Africain d’aujourd’hui, celui qui mène de l’école de la vertu aux bancs vermoulus du cachot. Il illustre parfaitement la juste formule de mon compatriote, Étienne Soropogui, le président du mouvement Nos valeurs communes : « En Afrique, la place de l’homme digne c’est la prison. »
Un officier populaire qui a su transcender les clivages
Le bon vouloir du chef étant ce qu’il est sous les doux cieux de notre belle Afrique, cet homme exemplaire – dans l’armée comme dans la vie – croupit aujourd’hui dans une cellule de la Maison d’arrêt de Brazzaville, et personne ne sait s’il en ressortira vivant.
Sorti de l’École militaire préparatoire Général-Leclerc de Brazzaville, puis de Saint-Cyr, ce fils d’instituteur éduqué dans le goût des études et de la discipline monte rapidement en grade. Il est tour à tour commandant de la Zone autonome de Brazzaville, commandant des Forces terrestres et chef d’état-major général de l’armée congolaise. De 2005 à 2013, il est chef du département Paix et Sécurité de l’Union africaine, où il s’occupera notamment des crises intervenues au Mali et en Centrafrique.
Mais tout au long de cette brillante carrière militaire, il n’a cessé de penser à son malheureux pays soumis à la dure loi du pouvoir sans partage. Certes, il se veut un soldat modèle, discipliné, respectueux de la hiérarchie, il a cependant beaucoup de mal à contenir son aversion pour la tyrannie. En 1990, il refuse de tirer sur la foule lors des longues grèves de 1990. En 1993, il démissionne de son poste de chef d’état-major et s’exile en France. En 2015, il sort du mutisme que lui impose son uniforme pour dénoncer la modification de la Constitution qui devrait permettre à Sassou-Nguesso de briguer un troisième mandat.
Sept ans déjà !
Puis, en 2016, il commet l’irréparable en se présentant à l’élection présidentielle (j’en connais qui auraient choisi le chemin plus direct et plus efficace du pronunciamiento). Il est immédiatement mis aux arrêts pour « atteinte à la sûreté de l’État, port illégal d’armes et de munitions, trouble à l’ordre public, etc. » (nos chefs n’ont jamais manqué d’arguments pour écraser les brebis galeuses). Il est jugé dans un procès expéditif (dans nos pays, c’est un pléonasme que de le dire) et condamné à 20 ans de réclusion criminelle. Depuis, les voix n’ont pas manqué pour dénoncer le caractère arbitraire de sa détention et exiger sa libération. Outre sa famille et les démocrates congolais, Amnesty International et le Groupe de travail des Nations unies sur la Détention arbitraire ont remué ciel et terre, en vain ! Le cas Mokoko est tellement préoccupant que même la France qui a plutôt tendance à fermer les yeux sur les agissements de ses protégés africains s’y est mise. Voilà ce que disait Jean-Yves Le Drian lors de la visite officielle de Sassou-Nguesso en 2015 : « Je lui ai parlé de Jean-Marie Michel Mokoko et d’autres personnes en lui disant que l’on attendait de sa part des actes… Je le lui ai dit avec fermeté et je suis sûr que le président de la République lui dira la même chose. »
Déjà sept ans que le général Mokoko gît dans un mouroir de Brazzaville ! Son sort est dans les mains de tous les défenseurs des droits de l’Homme. Le temps presse. La démocratie perdrait un peu de son sens si ce grand Congolais mourait en prison.
Par Tierno Monénembo