Le président burundais, Évariste Ndayishimiye, a ordonné de suspendre toutes les activités d’extraction minière par les sociétés internationales depuis le 14 juillet, en attendant la renégociation des conventions.
Après avoir critiqué pendant plusieurs mois des contrats avec plusieurs sociétés internationales qui opèrent dans le domaine des terres rares, de l’or ou encore du coltan, le ministre de l’Hydraulique, de l’Énergie et des Mines, Ibrahim Uwizeye a ordonné à toutes ces sociétés de suspendre toutes leurs activités en attendant la renégociation des contrats « dans un esprit gagnant-gagnant », explique-t-il. « On n’a pas touché à leurs permis d’exploitation, on leur a seulement demandé de suspendre leurs activités, le temps de renégocier les conventions », a-t-il insisté.
« Tout le monde s’est rendu compte que par exemple pour l’exercice budgétaire 2020-2021, le Burundi tablait sur l’équivalent de 3 millions de USD comme ressources issus des mines, et ce chiffre a été divisé par deux pour l’exercice en cours, où il ne prévoit qu’un revenu de 1,5 million USD », explique Gabriel Rufyiri, fondateur de l’Olucome en 2002 et figure de la lutte anti-corruption dans le pays.
Le ministre est plutôt discret sur cette question très sensible, car ces conventions ont été signées sous le régime du prédécesseur de l’actuel chef de l’État burundais.
Selon des sources concordantes, « c’est le président Pierre Nkurunziza en personne qui donnait son accord pour l’octroi d’un permis d’exploration ou d’exploitation minière ». Mais le demandeur devait d’abord parcourir un véritable chemin de croix.
« Le gouvernement doit faire attention dans la renégociation des contrats et éviter de les rompre unilatéralement puisqu’il risque d’être trainé devant les instances internationales d’arbitrage. Et il doit également se doter de bons négociateurs sinon tout ça n’aura servi à rien », a prévenu le président de l’Olucome.
Les locaux en reste
Pour le pouvoir, le Burundi est tout comme son voisin congolais : « un scandale géologique » passé inaperçu parce que les regards étaient rivés sur l’immense République démocratique du Congo.
Le régime de Nkurunziza va multiplier la signature de contrats avec des investisseurs étrangers, dont le Britannique Rainbow Rare Earths Ltd, qui obtient un permis d’exploitation des terres rares du périmètre de Gakara, à l’est de Bujumbura, en 2015.
Depuis, le gouvernement burundais a multiplié la signature de conventions avec des intérêts russes ou chinois. Tanganyika Mining va obtenir une concession pour exploiter l’or de Cimba dans la province de Cibitoke (nord-ouest), African Mining Limited pour exploiter l’or Muhwazi dans la province Muyinga (est), ou encore Ntega Holding va exploiter le coltan à Runyankenzi dans la province de Kirundo (nord-est).
Une société de droit burundais, Rainbow Mining Burundi, est constituée. La multinationale y détient 90% des actions, et 10% reviennent à l’État burundais conformément au Code minier du pays. Elle va commencer à exploiter le gisement de Gakara présenté comme l’un des plus prometteurs au monde grâce à sa teneur en terres rares, en 2017.
Le Burundi place alors de grands espoirs dans cette exploitation, la seule en Afrique et l’une des rares en dehors de la Chine qui détenait jusqu’ici pratiquement le monopole dans la production des terres rares, utilisées de plus en plus dans les smartphones, les écrans de télévision, etc.
« Depuis qu’elle a commencé à exploiter les terres rares de Gakara (en 2017), Rainbow Mining Burundi (RMB) a déjà exporté près de 2000 tonnes de concentré de terres rares », explique le ministre en charge des Mines. « La société nous a dit qu’elle a vendu chaque kilo de concentré à moins de deux dollars américains le kilo (…), j’ai décidé de suspendre l’exportation de 400 tonnes qui avaient été déjà extraites en attendant qu’on vérifie la régularité des opérations sur ces exportations et qu’on procède à un meilleur partage même pour ce qui a déjà été exporté », a-t-il précisé. « Ce réexamen est un préalable pour une renégociation de la convention qui doit suivre dans la foulée », a ajouté le ministre burundais.
« Nous avions alerté dès la signature de ces contrats parce qu’ils ont été signés dans l’opacité totale, il n’y avait pas eu d’appel d’offres comme le prévoit la loi (…). Il y a également beaucoup d’allégations sur des cas de corruption sur chaque contrat », rappelle le président de l’Olucome qui se réjouit de cette « décision de suspendre ces conventions en attendant l’adoption d’un nouveau code et la renégociation de celles-ci, car le pays voyait ses minerais sortir sans qu’il en tire le moindre bénéfice ».