Inculpée notamment de « blanchiment de capitaux et faux et usage de faux », l’épouse du président déchu Ali Bongo Ondimba a été placée sous mandat de dépôt à la prison centrale de Libreville.
L’ex-première dame du Gabon, Sylvia Bongo Ondimba Valentin, en résidence surveillée depuis un coup d’Etat militaire, fin août, pour des détournements présumés de fonds publics, a été incarcérée, a indiqué son avocat français, François Zimeray, jeudi 12 octobre. Selon des médias locaux, l’épouse de l’ancien président Omar Bonga Ondimba a été placée sous mandat de dépôt à la prison centrale de Libreville, tard mercredi soir, après une nouvelle et longue audition par un juge d’instruction.
Sylvia Bongo, 60 ans, avait été inculpée le 28 septembre notamment pour « blanchiment de capitaux et faux et usage de faux » et maintenue en résidence surveillée à Libreville, comme depuis le premier jour consécutif au putsch du 30 août ayant renversé son époux.
Les militaires, qui accusent l’entourage d’Omar Bongo d’avoir truqué sa réélection, soupçonnent l’ex-première dame d’avoir « manipulé » son époux – qui souffre des séquelles d’un grave AVC en 2018 –, d’avoir été, au côté de leur fils Noureddin Bongo Valentin, la dirigeante de facto du pays depuis cinq ans, et d’avoir « détourné massivement des fonds publics ». Noureddin Bongo est en prison depuis le premier jour du coup d’Etat, inculpé notamment de « corruption » et « détournements de fonds publics ».
« Tant qu’il y aura une différence entre la justice et l’arbitraire, entre le droit et la vengeance, nous dénoncerons cette procédure illégale », a commenté Me Zimeray, qui avait déjà dénoncé, alors que sa cliente était en résidence surveillée, une « détention arbitraire » et une « prise d’otage ». Le procureur de la République de Libreville, interrogé par l’AFP sur cette incarcération, n’avait pas encore répondu jeudi en début de matinée.
Valises de billets
Dans la nuit du 30 août, moins d’une heure après l’annonce de la réélection d’Ali Bongo, au pouvoir depuis quatorze ans, l’armée, invoquant une fraude évidente, mettait « fin au régime », accusé aussi de corruption massive. Le général Brice Oligui Nguema, leader du putsch, était proclamé le surlendemain président de la transition.
Plus d’un mois après, le général Oligui, qui a nommé un gouvernement et un parlement de transition civils, reste adulé par l’immense majorité de la population et de la classe politique, qui applaudissent les militaires pour les avoir « libérés » de cinquante-cinq ans de « dynastie Bongo ». Ali Bongo avait été élu en 2009 à la mort de son père, Omar Bongo Ondimba, qui dirigeait le pays depuis plus de quarante-et-un ans.
Ali Bongo avait été placé en résidence surveillée le jour du putsch mais déclaré libre de ses mouvements une semaine après. Les militaires ont semblé le mettre rapidement hors de cause, considérant qu’il avait été « manipulé » notamment par son épouse et leur fils depuis son AVC. Depuis, Ali Bongo, dont le président Oligui a dit qu’il était « libre » d’aller à l’étranger subir ses examens médicaux de suivi, a préféré rester au Gabon, selon le nouveau pouvoir.
La nuit même du putsch, Noureddin Bongo et plusieurs jeunes collaborateurs du cabinet présidentiel avaient été arrêtés et montrés au pied d’innombrables malles, valises et sacs débordant de billets de banque saisis à leurs domiciles. Trois semaines plus tard, le fils Bongo et sept membres de la « young team » ont été inculpés et incarcérés notamment pour « corruption, détournements de fonds publics, blanchiment de capitaux, association de malfaiteurs, falsification de la signature du président de la République et trouble des opérations électorales ». Deux anciens ministres (pétrole et travaux publics) proches de Noureddin Bongo ont également été écroués.
« La première dame et Noureddin ont gaspillé le pouvoir d’Ali Bongo », assénait le 18 septembre le général Oligui devant la Garde républicaine. « Parce que depuis son AVC, ils ont falsifié la signature du président, ils donnaient des ordres à sa place », en plus « du blanchiment d’argent et de la corruption ». « Qui dirigeait le pays ? », se demandait-il.
Le Gabon est classé 136e sur 180 pour la perception de la corruption par Transparency International (2022).
avec AFP