Depuis cinq ans, le festival Congolisation, orchestré par l’acteur, producteur et rappeur Pitcho Womba Konga, Belge d’origine congolaise, met en valeur les talents des artistes afrodescendants de Belgique, dans des lieux de culture prestigieux à Bruxelles.
Pitcho Womba Konga, doudoune « afro » et petit bonnet rouge vissé sur la tête, décrypte en ces termes l’appellation du festival, qui s’est déroulé cette année du 16 au 19 janvier : « Congolisation, c’est un pied-de-nez aux anciens coloniaux, persuadés des bienfaits de la colonisation, pour dire que le Congo a apporté aussi à la Belgique. » Afin de souligner la « plus-value que la diaspora apporte à la Belgique d’aujourd’hui », le festival propose un coup de projecteur sur la vitalité de la création artistique de la diaspora.
Il lui ouvre les portes d’institutions prestigieuses, comme le Théâtre royal flamand (KVS) et l’AfricaMuseum à Tervuren. « Permettre à la diaspora de prendre possession de ces espaces, poursuit Pitcho Womba Konga, c’est lui donner la possibilité de raconter et de confronter ses imaginaires, ses histoires, ses sensibilités, sans intermédiaire, sans tabou, sans filtre ».
Festival « décolonial »
Fredo Lubansu, comédien et metteur en scène, co-fondateur de l’association Afropean Project, a modéré et enregistré le débat sur un projet de « maison des cultures africaines » pour l’émission Afropean Echo, diffusée par la radio citoyenne Radio Panik (105.4 FM). Beaucoup de questions restent soulevées par ce projet, porté par une élue socialiste, Barbara Trachte, ministre présidente du Collège de la commission communautaire française (Cocof) – autrement dit, le gouvernement francophone bruxellois. « Faut-il un lieu physique singulier ou pas, pour éviter le risque de ghettoïsation – comme l’exemple parisien du Tarmac l’a montré ? Faut-il continuer à demander des subventions aux institutions ou être totalement indépendant ?Doit-on inventer un modèle de gestion horizontal, et non plus vertical ? Faut-il inclure les Maghrébins et faire œuvre de « désaliénation », pour venir à bout des freins entre communautés ? » Pour répondre à toutes ces questions, les six experts afrodescendants consultés pour ce projet ont entrepris de le démocratiser, en organisant des « blocus » (cercles de réflexion thématiques) ouverts à la communauté.
Poésie, musique et danse
Avant la fête dans l’enceinte principale du KVS, une magnifique salle de théâtre, une lecture de poésie a été donnée par plusieurs artistes de la diaspora. « La douceur de son soleil me manque, l’odeur de la marmite me manque, la voix de Rochereau dans cette vieille radio me manque, et le vacarme des jours heureux du pavillon me manque ». Francisco Luzemo a scandé ses vers sur le thème de « Indépendance Cha Cha », avant deux lectures tout aussi fortes de Cecilia Kankonda et Jessica Fanhan, et la performance remarquée d’une jeune chanteuse venue de Kigali, Weya Viatora. Un nom à retenir : après un premier single en 2014, Empty House, retenu par Voice of America, elle a produit son premier album au Rwanda. Inspirée par Etta James, Aretha Franklin, James Brown et les grandes voix soul, Weya Viatora prépare en Belgique un nouvel album et une collaboration avec Gaël Faye qui devrait faire parler d’elle.
Le festival s’est terminé avec une chorégraphie menée par deux artistes belgo-congolaises, qui ont investit les salles d’exposition de l’AfricaMuseum de Tervuren. Un lieu qui a fait couler beaucoup d’encre depuis son dépoussiérage et sa réouverture fin 2018. « Je me suis rendu compte que quelque part, dans le musée, il y a aussi ma culture, des choses qui m’appartiennent, explique Pitcho Womba Konga. À nous d’aller sur place et nous réapproprier l’espace avec de l’art ».