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Bassin du Congo: désastre écologique dans la Cuvette et la Sangha encouragé par Sassou

Pendant le mois d’aout, dans le cadre de l’étude des roches magmatiques et métamorphiques de la partie nord massif du Chaillu, nous avons visité plusieurs localités dans le département de la Sangha et de la Cuvette-Ouest. Lors de cette expédition scientifique, nous sommes allés à la rencontre des populations et des autorités locales pour discuter des problèmes environnementaux et sociaux. Suite à ces discussions enrichissantes, j’ai décidé d’écrire cet article pour partager mon point de vue sur la situation actuelle dans cette région.

Les départements de la Sangha et de la Cuvette-Ouest sont situés au cœur de la forêt du bassin du Congo. Ils comprennent des milliers de kilomètres de forêts denses, de savanes, de marécages et abritent plusieurs aires protégées dont le parc national d’Odzala-Kokoua, la réserve de faune de la Lékoli-Pandaka, le sanctuaire de gorilles de Lossi et une partie du parc national Nouabalé-Ndoki. La faune de la zone est riche et variée néanmoins, plusieurs espèces, tels que le gorille des plaines de l’ouest, l’éléphant de forêt d’Afrique, le pangolin géant, le bongo… sont menacées. Grâce à la présence de nombreuses formations magmatiques et métamorphiques, ils possèdent de nombreux gisements de fer, de titanium, d’uranium, de quartz et de coltan.

Carte du réseau routier de la Sangha et de la Cuvette-Ouest avec en bleu les localités que nous avons visité

Zoulabouth

Au village de Zoulabouth à environ 68 Km de Ouesso, les autorités du village, à savoir le chef du village, son secrétaire, et le conseiller municipal nous ont fait visiter une carrière de gisement d’or exploitée par des entreprises chinoises (Maud Congo, Zingo Pétrole, Global négoce, Distribution terminale et Super Galerie Business). Lors de l’exploitation de la carrière, les entreprises avaient formellement interdit aux habitants de Zoulabouth de s’approcher de leurs zones d’activité, profitant ainsi pour raser plusieurs hectares de forêts, polluer des cours d’eau au mercure, créer des zones de forage dans lesquels stagnent des eaux usées. Les autorités locales se sont rendues compte du désastre écologique dans leur village après le départ des entreprises chinoises.

Les conséquences observées par ce désastre écologique sont :

Les autorités de Zoulabouth ont alerté les autorités du département de la Sangha sur la situation au village et signifier du non-respect du code minier de la part des sociétés chinoises qui ont exploité de l’or dans leur village. Le code minier congolais stipule que les entreprises doivent réhabiliter leurs sites de production à la fin de leur activité d’exploitation, mais hélas ils n’ont reçu aucune réponse. Ils ont même fait part de leurs problèmes au ministère des mines et de la géologie ainsi qu’au ministere du tourisme et de l’environnement mais personne n’est venu faire un constat dans leur village. Les populations ont fini par se résigner, mais le 4 Aout 2020 la ministre du tourisme et de l’environnement madame Arlette Soudan-Nonault accompagnée de son équipe ont fait une descente dans le village et ont pu constater les dégâts de l’exploitation minière dans le village. Elle a promis une réhabilitation des sites détruits.

La carrière abandonnée de Zoulabouth à proximité d’un cours d’eau pollué

Biessi

Le village de Biessi se situe à environ 141 Km de Ouesso, nous avons fait la rencontre d’un garde forestier communément appelé écogarde habitant dans le village. Il nous a expliqué que son village et la grande majorité des villages du département de la Sangha souffrent du même désastre écologique que le village de Zoulabouth. Les entreprises chinoises arrivent, brandissent leurs permis d’exploitation et interdisent aux villageois l’accès à leurs zones d’activité. C’est à la fin des activités que les villageois constatent les dégâts. Ce schéma se perpétue continuellement depuis de nombreuses années sous l’œil du gouvernement congolais. La présence des eaux usées et la contamination des sources d’eau ont été la cause principale des maladies infantiles dans le village après de départ des sociétés chinoises, certains enfants y ont même perdu la vie. Les sources d’eau saines autour du village se faisant rare, les villageois sont désormais obligés de faire des kilomètres à pied tous les jours en forêt pour trouver des cours d’eau non contaminé et se ravitailler en eau potable.

Souanké

Souanké est un district du département de la Sangha et est situé à 277 Km de Ouesso. Durant notre passage, le gérant d’une auberge qui accueille beaucoup de délégations, nous a raconté que chaque année plusieurs agents d’inspection des activités minières venus de Brazzaville séjournent dans son auberge. Ils viennent pour l’inspection mais ils sont pris en charge par les entreprises minières de la région. Celles-ci payent leurs chambres à l’auberge, leurs fournissent de l’alcool, de la viande de brousse et des femmes. Ils passent leurs séjours dans la région à picoler, à manger, à faire la fête et du tourisme sexuel. Ces agents n’effectuent même pas des descentes sur les sites d’exploitation de ces entreprises. À la fin de leurs séjours ils reçoivent une grosse enveloppe et repartent à Brazzaville. En somme, ils n’inspectent rien et on pourrait se questionner sur le contenu des rapports qu’ils remettent à leurs directions. 

Oyabi

A Oyabi, un village à environ 60 Km de Kellé un district dans la Cuvette-Ouest les autorités du village avaient formellement interdit l’accès à leur village aux entreprises minières chinoises. Plusieurs entreprises chinoises sont venues dans le village avec des permis d’exploration mais ils ont catégoriquement refusé de les laisser travailler dans le village. Les villages de la Cuvette-Ouest subissant des désastres écologiques causés par des entreprises chinoises lors de l’exploitation des minerais. Ils ont décidé de protéger leur village par leurs propres moyens, quitte à aller à l’encontre des décisions gouvernementales, car celui-ci leur a délivré un permis d’exploitation. J’espère qu’ils tiendront leurs positions longtemps mais je crains que ses entreprises fassent intervenir la police ou l’armée afin de soumettre le village. Le village de Oyabi possède beaucoup de quartzites riches en fer, ce qui rend les enjeux économiques importants.

Ngoyeboma

Au village de Ngoyeboma à environ 63 Km de Kellé, nous avons fait la connaissance d’un orpailleur. L’orpaillage est une activité qui consiste à rechercher de l’or en utilisant des méthodes artisanales avec un orpailleur. Il nous a fait visiter son site de travail et il nous a expliqué que dans la région les activités d’orpaillage subissent beaucoup d’inspection et de contrôle de la part des agents des ministères des mines et de la géologie et ceux du ministère du tourisme et de l’environnement. Les agents n’hésitent pas à leur imposer des taxes ou à leur mettre des amendes à tout va. Beaucoup d’orpailleurs ont décidé d’abandonner leur métier vu la chute des cours des minerais et le nombre croissant de taxes qu’ils subissent quotidiennement. L’orpaillage n’est quasiment plus une activité rentable. Il trouve que le gouvernement s’acharne un peu trop sur eux tandis que les entreprises minières chinoises qui détruisent l’environnement à grande et petite échelle, ne respectant pas le code minier congolais ne sont jamais inquiétées. Le gouvernement est faible contre les forts et fort contre les faibles.

Site d’orpaillage de Ngoyeboma

Cette expédition scientifique au cœur de la Sangha et de la Cuvette-Ouest m’a ouvert les yeux sur les activités néfastes des entreprises minières chinoises dans notre pays. Nous qui vivons dans les grandes villes, sommes très souvent mal informés et déconnectés des réalités des habitants des villages. Les discussions sur l’écologie tournent souvent autour des problèmes dans les villes : pollution due à l’activité pétrolière à Pointe-Noire, pollution plastique dans les villes, pollution de l’air dans les villes… tandis que la situation dans les villages est beaucoup plus préoccupante que la nôtre. Ce désastre écologique enfonce une partie de la population dans la précarité et est la cause de certains décès infantiles.

Legran J.E. Plavy Ntsiele

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